"Cancun ne sera pas vraiment un passage en revue à mi-parcours destiné à accélérer les choses pour un accord final dans un peu plus d'un an. Ce sera plutôt une sorte de camp de base où l'on s'assure que l'ascencion (vers un accord) continue", souligne Fred Bergsten, directeur de l'Institut économique international (IIE).
L'accord devrait, selon lui, probablement être plutôt atteint au début de 2007 pour deux raisons: l'une est que le mandat de négociation pour les Américains est valable jusqu'en 2007 et lors des trois derniers rounds de négociations "l'expiration du mandat américain a toujours constitué la véritable date butoir".
"La deuxième raison est, selon M. Bergsten, que les questions agricoles ne pourront sans doute pas être résolues avant cela" ajoutant que tant la farm bill (loi sur les subventions agricoles américaines) que la réforme de la politique agricole commune de l'Union européenne ne permettront pas le lancement de réelles réformes avant 2006.
Officiellement le président George W. Bush pousse pour la conclusion d'un accord dans les 15 mois qui viennent en espérant avoir d'ici là décroché un second mandat présidentiel aux élections de novembre 2004.
Le négociateur américain à l'OMC, Robert Zoellick, tout en réaffirmant le souhait de conclure dans ces délais a clairement indiqué jeudi que l'objectif premier pour Washington restait la libéralisation. Et que "si ce n'est pas possible dans l'OMC" les Américains trouveront des pays pour "ouvrir leurs marchés aux Etats-Unis par le biais des accords bilatéraux de libre-échange".
"Les discussions pour conclure l'Uruguay round (le précédent cycle) ont duré de 1979 à 1994 et pendant ce temps nous avons connu plusieurs présidents américains et plusieurs Congrès", a souligné Bill Frenzel, ancien élu républicain de la Chambre des représentants et expert de l'OMC à la Brookings Institution.
Même l'annonce en août d'un accord américano-européen sur les grandes lignes de réformes dans l'agriculture, dossier essentiel à Cancun, ne devrait pas fournir les bases d'un accord la semaine prochaine. "Ce à quoi ont abouti Bob Zoellick et Pascal Lamy (les négociateurs américain et européen) peut ne pas satisfaire toutes les délégations mais au moins cela permet de ne pas enterrer les négociations", a-t-il ajouté.
L'adjoint de M. Zoellick, Peter Allgeier réaffirmait de son côté que les Etats-Unis demeuraient bien le "pays le plus ambitieux" dans tous les secteurs. "Mais nous ne nous attendons pas à ce que les gens acceptent (à Cancun) ce que nous aimerions voir dans l'accord final", a-t-il tout de même reconnu.
"Peter Allgeier est clairement en train d'essayer de faire baisser la pression politique et médiatique sur l'évènement", a rétorqué un diplomate européen à Washington. Et d'ajouter que "le problème de l'ambition américaine c'est qu'ils sont très ambitieux pour les concessions qui pourraient venir des autres et sans doute un peu moins pour celles qu'eux-même pourraient faire".
Après le geste américain sur l'accès aux médicaments génériques pour les pays pauvres qui payent le tribu le plus lourd à la pandémie du sida, les partenaires de Washington attendent maintenant des gestes sur l'agriculture, l'acier, avec en particulier l'abandon des surtaxes sur les importations imposées depuis mars 2002 pour protéger la sidérurgie américaine, et la modification de la loi sur les subventions à l'exportation (FSC) favorables aux grands groupes américains.
Ces deux derniers dossiers font d'ailleurs l'objet de plaintes de l'UE et d'autres pays devant l'OMC, ayant abouti à la condamnation de ces pratiques par l'instance d'arbitrage. |